Alexandre Mussard est né dans un monde de traditions et de savoir-faire à la française. Il succède à dix générations d’artisans, créateurs d’objets à partir de matières nobles. Tout en suivant la vocation familiale, il s’est affranchit de l’aspect utilitaire afin de créer des objets d’art. Lui a adopté le bronze.
Cet alliage, attaché à la planète Jupiter, est associé au signe astrologique Sagittaire. Clin d’oeil pour notre artiste, né le 7 décembre 1984 !
Depuis quinze ans, il explore la création artistique, expérimente, invente, assemble… tout en évitant la lumière. Alexandre Mussard est un esthète un peu misanthrope, qui fuit les mondanités. Il préfère s’isoler dans sa thébaïde, ermitage pourtant situé en plein coeur de Paris. L’artiste vit sur un créneau horaire différent de la société : c’est au creux de la nuit qu’il rencontre sa muse.
Alexandre exprime ainsi son besoin vital de créer « Mon travail de sculpteur est empreint d’une forte charge émotionnelle. Mes chaises sont une métaphore d’un homme moderne qui, débarrassé des pulsions mercantiles encouragées par la société consumériste, se retrouve isolé, en proie à une grande tristesse. J’ai tendance à préférer les objets aux humains. Les objets ne déçoivent pas… avec eux on peut atteindre une forme de perfection, ou presque. »
Ayant sélectionné ses fondeurs pour leur sensibilité artistique, il surveille et guide la fonte. Le sculpteur se réserve la patine. Son procédé est le même pour toutes ses pièces. Afin d’enlever les traces noires laissées à la sortie du moule, il frotte le bronze avec du sable et ne garde que le doré de l’alliage. Sous l’effet du temps et des intempéries, la patine prend une teinte noire aux reflets bleus et verts. Nous voyons ce phénomène chimique sur les Jumeaux (sculptures qui le représentent lui et son frère jumeau) qui ont été exposés plusieurs mois dans le parc d’une propriété en Provence.
Le bronze traverse le temps, c’est un matériau solide et pérenne. Alexandre joue sur les paradoxes et lui confère un aspect fragile, en étirant les formes et le manipulant comme un fil de fer. Le style de Mussard s’inscrit à mi-chemin entre la légèreté poétique des mobiles de Calder et la force sociologique des bronzes épurés de Giacometti.
Alexandre Mussard a conscience du vide et le laisse s’épanouir au milieu des formes. Ses sculptures incarnent son imaginaire et sont sujet à l’interprétation. Bien que la forme humaine soit absente de ces oeuvres, sa présence est sous-entendue. Les chaises ont des caractéristiques humaines (La Garçonne, Le Grand Maigre, les Jumeaux…), les autres silhouettes évoquent implicitement la personne qui viendra les animer (La Brouette ou Le Dîner). Le sculpteur propose une variation poétique à cette métonymie de l’homme-objet, en faisant appel à la nature et la musique (dans L’Arbre et La Guitare).
Le premier prototype de chaise a vu le jour à Camondo, dans le studio collectif, à partir d’un fil de fer. Très vite, l’apprenti-sculpteur eu le réflexe protecteur de cacher sa création des regards et des convoitises des autres étudiants. La glissant dans sa poche, il garda longtemps secrète cette vocation qui venait de naître. Des années plus tard, à partir de la structure miniature, Alexandre Mussard réalisera à taille humaine cette série de sculptures, s’inscrivant ainsi dans la lignée des maitres bronziers.
Tess de Castilla